Nous rentrons dans une nouvelle année et la guerre entre Israël et le Hamas n’est toujours pas finie. Quel sens faut-il donner à cette épreuve collective ?
Haïm Korsia : Aucune situation ne peut être absolue, dans le mal comme dans le bien. 8ne situation de paix peut être défigurée en un instant, comme on l’a vu le 7 octobre 2023.
De même qu’une situation de guerre peut s’arrêter du jour au lendemain, si les objectifs sont atteints. L’objectif inconditionnel est le retour des otages, les vivants et les morts.
Et sans ce retour immédiat, il est indigne et insoutenable d’envisager quoi que ce soit. Cela devrait être la boussole permanente de toutes les démocraties dans le monde, et de tous les gouvernements. Il est inadmissible que certains pays relèguent ce préalable au second plan.
Nous allons marquer les 2 ans du 7 octobre, un jour sans fin…
H.K. : Je dirais même une nuit sans fin .Une nuit qui ne finit pas. On se dit à chaque fois que l’aurore va arriver et on se rend compte que ça s’assombrit encore plus. Mais c’est tout le principe de l’aube. L’aube est un temps qui noircit pour laisser apparaître le blanc. J’espère que nous sommes là.
« Jamais les crépuscules ne vaincront les aurores », nous rappelle Apollinaire. On doit s’en convaincre. Oui, il y a des soirs mais il y aura un matin. C’est cela l’espérance de la Bible, à laquelle nous devons rester viscéralement attachés.
Dans ce temps qui noircit, s’est ajoutée la diabolisation d’Israël sans précédent…
H.K. : En effet. En France, cette diabolisation est portée et instrumentalisée par un parti politique qui a fait de la haine d’Israël son fonds de commerce électoraliste. C’est une honte pour tous nos principes républicains. J’ai demandé au gouvernement que l’on puisse déclarer inéligible quiconque est condamné pour antisémitisme. J’estime en effet que ce serait un moyen efficace de purger la politique française des éléments qui ne cherchent qu’à détruire notre société.
Mais cela peut-il suffire face à une situation qui, telle une boule de neige, ne semble que prendre de l’ampleur ?
H.K : C’est toute la logique des boules de neige. Elles grossissent mais s’il y a du soleil –ce qui constitue pour moi tout ce que doit porter la République, à savoir la fermeté des règles et des lois ainsi que la mobilisation collective – alors elles fondent automatiquement.
N'est-ce pas là une attente utopiste ?
H.K.: Non. La France ne supportera pas longtemps l’ornière dans laquelle LFI emmène la société. En alliant agitation et propagande, ce parti vise à enfermer la société dans un tel bruit qu’elle n’ose plus bouger. Elle commence tout juste à comprendre qu’il faut réagir. Des enquêtes sont menées actuellement sur certains élus. On ne peut pas accepter que la négation des valeurs qui fondent toute notre société, bien au-delà de ce qui concerne Israël, soit le fondement de leur pseudo-dynamique. Est-ce légitime de considérer les bourreaux du 7 octobre comme des résistants ? Est-ce légitime que des députés européens trouvent normal que Boualem Sansal soit embastillé en Algérie ? C’est la négation de tout ce qui nous fait être une société.
Qui est responsable de tout ce laissez faire ?
H.K. : Le terreau et la matrice de la haine sont les réseaux sociaux et l’impunité générale. Ce qui compte n’est pas ce que l’on dit, mais la violence des punchlines que l’on utilise. Les mots d’ordre dont le but n’est que de fédérer des trolls et des imbéciles, « des gueux pour exciter des sots », comme le disait Kipling dans son poème. Internet est devenu un déversoir de la haine et de la rancœur. Il encourage ce fonctionnement en meute et cette violence permanente, qui porte l’insulte et l’anathème. Je remercie d’ailleurs les veilleurs sur Internet qui font un extraordinaire travail de recueil d’informations et d’alerte des services de police.
Une violence que vous avez vous-même vécu tout récemment encore. En estimant, sur BFM, que « personne ne pouvait être d’accord avec Benyamin Netanyahou », lorsqu’il estime que la décision française de reconnaître la Palestine contribuait à renforcer l’antisémitisme…
H.K. : Je l’accepte, sachant qu’elle semble consubstantielle à toute existence publique. Moïse lui-même avait subi des critiques incroyables de la part de son peuple. Si je ne parle pas, on me reproche de ne pas parler et si je parle, on me rétorque de ne pas avoir à parler au nom de la communauté… Cela fait partie des errements de ce monde, où il n’existe plus d’espace pour échanger, discuter, expliquer. C’est là l’une des raisons pour lesquelles je suis très attaché à votre journal, qui offre la possibilité de déplier les arguments et non de s’enfermer dans une simple phrase ponctuelle.
Au-delà de la violence des propos dont vous avez été la cible, on vous reproche d’exprimer un avis qui ne serait pas en phase avec le sentiment général de la communauté…
H.K : Je sens cette colère de la communauté. Je la vois, je la vis, chez moi, parmi mes proches. Je ne suis pas insensible à ce qu’il se dit et à ce que nous vivons. Mais ce n’est pas une raison pour perdre de vue ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas. De la même façon que l’on est coupable si l’on dit quelque chose que l’on ne devrait pas dire, on est coupable si on se tait alors
que l’on doit dire les choses. J’estime avoir comme vocation, avec d’autres, de protéger la communauté, de protéger aussi le lien entre l’État, le gouvernement et la communauté juive.
Après cette séquence, chargée de critiques à votre égard, vous sentez vous toujours en phase avec ce que ressent la communauté ?
H.K. : De la même façon que certains disent que je ne la représente pas, d’autres ont approuvé mes propos et d’autres encore m’ont reproché de ne pas l’avoir dit plus tôt. Et j’irais plus loin : la plupart de ceux qui m’ont critiqué n’ont même pas écouté l’interview en question, dans laquelle j’ai défendu la position d’Israël et le fait que le gouvernement israélien est un gouvernement élu démocratiquement par son peuple, chose assez rare dans la région. Je pense qu’il y a eu de la mauvaise foi, mais après tout je ne peux pas l’empêcher. L’ambassadeur d’Israël en France, Joshua Zarka, qui est le représentant officiel de l’état d’Israël, a d’ailleurs parfaitement compris mes propos et a rappelé que ceux qui m’attaquaient n’avaient ni bien écouté ni bien compris l’interview. Cela dit beaucoup du climat actuel : on juge sur des slogans, pas sur la réalité de ce qui est dit. Pour autant, il m’appartient de donner mon opinion en tant que citoyen français quant à la conduite d’une politique française domestique, a fortiori s’agissant de lutte contre l’antisémitisme. Je peux donc accepter que les gens ne soient pas en phase avec moi, mais je me dois, de mon côté, de préserver la communauté, presque malgré elle. Il est important de rappeler que tous les gouvernements israéliens ont toujours rendu hommage à l’action du gouvernement français dans la lutte contre l’antisémitisme, Benyamin Netanyahou compris. Et à ce jour, nous sommes encore le seul pays au monde à avoir une législation interdisant le boycott d’Israël. La loi Gayssot qui interdit la remise en question de la Shoah est une loi unique au monde. Regardez aussi toute l’actuelle mobilisation de l’État vis-à-vis des actes antisémites. Les malfrats qui ont tronçonné l’arbre d’Ilan Halimi à Épinay-sur-Seine ont été retrouvés en moins d’une semaine grâce à des enquêtes très poussées. Il faut, comme toujours, faire preuve de pondération et être capable de dire les choses, en honnêteté, en vérité, comme je crois avoir toujours été capable de le faire.
De par ses prises de position, le président de la République accompagne aujourd’hui ce mouvement antisioniste. Comment compose-t-on avec un chef de l’État qui dénigre tant à Israël le droit de se défendre ?
H.K. : Le président avait appelé à la reconnaissance d’un État palestinien avec des conditions qu’il avait écrites, mais n’a pas ensuite reprécisées. J’estime néanmoins essentiel de rester juste. Après le 7 octobre, sa visite en Israël a particulièrement touché et il est le seul au monde à avoir organisé une cérémonie d’hommage national, en février 2024.
Certes, mais depuis et surtout ces derniers mois le président de la République s’est aussi très éloigné d’Israël…
H.K. Le sentiment de rejet vis-à-vis de lui aujourd’hui a tendance à tout emporter. Mais si l’on voit les choses de manière pragmatique, ce sont bien les négociations qui ont ramené les otages, pas les combats. Il faut désormais mettre en place les modalités pour les ramener. Et c’est une des conditions préalables essentielles à la reconnaissance de tout État palestinien. Ce que j’attends donc, c’est que ces conditions soient rappelées clairement et respectées avant toute reconnaissance. Or, le Président ne les a pas ensuite précisées. Cette absence de cohérence brouille message de la France et crée incohérence et confusion.
De part vos fonctions, vous vous entretenez avec le chef de l’État. Quelle est la teneur de vos discussions sur ces sujets ?
H.K. : Nos entretiens portent essentiellement sur la lutte contre l’antisémitisme et sur les sujets sociétaux. Je rappelle aussi la nécessité de cohérence car l’antisionisme est bien de l’antisémitisme, comme il a été le premier à le dire en Juillet 2017. C’est une définition que toute la France a adoptée et qu’il faut appliquer partout et tout le temps, et non en fonction des aléas de l’actualité. On a pas le droit d’exprimer de l’antisionisme au sens de haine d’Israël. On a le droit en revanche de critiquer le Gouvernement israélien, ce que beaucoup font allégrement .
A-t-on déjà vécu dans la communauté un sentiment de déception vis-à-vis du chef de l’État semblable à celui que l’on ressent aujourd’hui ?
H.K. : En 1967 après que de Gaulle a déclaré que le peuple juif était un « peuple d’élite, sûr de lui et dominateur », nous étions dans une situation quelque peu similaire. Plus tard, le sentiment de rejet communautaire vis-à-vis de Valéry Giscard d’Estaing était lui aussi massif. Mais, faut-il le rappeler, il n·\ a jamais eu une telle proximité entre la )rance et Israël qu’aujourd’hui, au niveau des échanges stratégiques. Le monde aujourd'hui s’est polarisé. Je tente, de mon coté, d’expliquer que n’importe quel autre Premier ministre à la place de Benyamin Netanyahou, même un Premier ministre de gauche, aurait réagi de cette manière après le 7 octobre. Le traumatisme était tel, la question existentielle si forte, que c’était un geste de défense majeur et légitime. Et tout le monde le reconnait. Ensuite deux ans c’est long Cette litanie des morts que l’on annonce à Gaza a éclipsé cette horreur absolue dans l’esprit de certains. Pas dans le nôtre . Je vois bien les messages d’insultes que je reçois m’accusant de ne pas condamner les massacres . Un député LFI a même fait usage d’un signalement auprès du procureur de la République au titre de l’article 40 contre moi alors que je n’avais fait que rappeler que le Hamas était responsable de tous les morts de Gaza . Il suffirait en effet que ce mouvement terroriste rende les otages pour que les bombardements s’arrêtent. Il faut dire et redire les choses et je passe beaucoup de temps à le faire .
Si Jérusalem est l’épicentre de nos prières et le restera toujours, on doit aussi continuer de se préoccuper de notre quotidien ici. Faire en sorte que nos synagogues et nos services fonctionnent, tenir compte de nos besoins en sécurité aussi. C’est un travail long et intense, que l’on fait sur toute la France. La période anxiogène et les incertitudes Politiques nous placent dans une situation ou la foi peut amener des idées directrices. Il est aussi important de faire en sorte que le judaïsme ici soit présent, dynamique et à l’écoute des territoires. Qu’il soit entendu dans ce qu'il a à proposer à la société et à dire au sujet d’Israël .
Pour rester sur cette séquence - vos propos sur BFM et les critiques qui ont suivi dans la communauté -, n’est-elle pas dommageable, regrettable ?
H.K. : J’ai reçu aussi beaucoup de messages de soutien et, par nature, les soutiens s’expriment moins que les rancœurs. La critique est brulante, lassentiment toujours silencieux. C’est une régle. Je le déplore, bien évidemment, surtout lorsque la critique est ordurière, injurieuse et quasi délictuelle. Je défends la capacité de la communauté Juive de parler au Gouvernement. Être toujours en contact avec les préfets qui déploient des moyens énormes pour notre Protection et qui ont l’impression d’être insultés lorsqu’on leur dit qu’ils n’agissent pas. Je continue à essayer de tenir un chemin de crête. La France et ,Israël sont deux Grandes démocraties qui peuvent ne pas être toujours d’accord mais qui ont toujours cheminé de concert et il faut que cela continue, malgré les désaccords Ponctuels. Car il ne s’agit pas d’amitié, mais de fraternité.
Aujourd’hui et plus que jamais, en France, les Juifs se posent tous la question de leur avenir…
H.K. : C’est vrai, mais les Juifs se la posent aussi en Israël puisqu’il y a près de 150 000 Israéliens qui ont quitté leur pays depuis le début de la guerre. Chaque situation, où que l’on soit dans le monde, a ses difficultés et appelle à une réflexion sur le sens de ce que l’on fait et où on le fait. La question de savoir de quoi sera fait le lendemain est au cœur des Préoccupations humaines et donc juives par essence.
Mais restons sur ce sentiment en France…
H.K. : C’est une question absolument légitime, qui appelle à une plus grande fermeté des pouvoirs publics pour endiguer l’antisémitisme. Nous y travaillons, avec toutes les institutions Juives, pour arriver à faire entendre cela, aux magistrats notamment. Lorsque nous réclamons un suivi des Seines, c’est pour avoir un tableau de bord des faits. Mais nous observons aussi un sursaut. L’auteur des tags commis sur des voitures, interpellé grace à d’importants moyens mis en œuvre, a écopé d’une Seine de huit mois de prison ferme. J’estime qu’on entre là dans de la peine dissuasive et crédible. Force est donc de constater que les interventions des institutions Juives portent leurs fruits et qu’elles ont une incidence quant au durcissement des sanctions.
La France s’apprêterait, le 22 septembre, à reconnaître l’État palestinien. Cette décision risque- t-elle d’impacter notre quotidien communautaire ?
H.K : Honnêtement, je ne le pense pas. Les Palestiniens sont déjà membres de l’ONU. Je passe tous les jours devant la représentation diplomatique de la délégation palestinienne… C’est une décision qui aurait sa logique si les conditions étaient remplies. À l’inverse, elle serait totalement injuste si les conditions initialement énoncées Sar le Président de la République n’étaient pas respectées. On préfèrerait bien entendu qu’il n’y ait pas cette reconnaissance mais en quoi celle-ci devrait-elle nous impacter ? Et je rappellerais que dans le rapport commandé par le ministère de l’Intérieur sur l’entrisme des Frères musulmans en France, l’une des préconisations était justement la reconnaissance de l’État palestinien, qui donnait aux musulmans de France la conviction que l’on sait entendre leurs préoccupations.
Quel discours tenez-vous à ceux qui s’interrogent sur leur avenir en France ?
H.K. : Avec le Consistoire central, nous avons toujours accompagné ce désir d’Alyah. Un désir spirituel, individuel, collectif, parfois. Un désir légitime et si l’Alyah est aussi importante à partir de France, c’est parce que nos communautés accompagnent ceux qui le souhaitent. Ce choix doit toutefois rester un choix éclairé. Si ce choix résulte d’une fuite, il sera empreint d’amertume, voire de regret. Or, les grandes choses ne se font que dans la joie. C’est d’ailleurs ce qu’affirme un verset du Deutéronome que nous avons lu la semaine dernière à propos de ce qui peut nous arriver de mauvais (XXVIII, 47) : « Parce que tu n’auras pas servi l’Éternel ton Dieu avec joie et un cœur entier dans l’abondance ».
Ce n’est pas tant un sentiment de fuite, mais celui de ne plus se retrouver à l’intérieur d’une société, la société française, et de pouvoir, en Israël, trouver une expression plus pleine de son identité.
H.K. : Quand quelqu’un se pose une question, c’est que la question se pose. Je n’ai pas à rassurer juste pour rassurer, car je me dois de parler en vérité. Mais je partage cette réflexion avec beaucoup de gens et j’explique qu’au fond de nous, nous ne sommes pas juste d’ici, de ce pays, mais que nous sommes une part du génie de la France au point que Manuel Valls a pu dire que la France sans les Juifs ne serait plus la France. Mais votre raisonnement est très juste parce que si nous ne sommes pas bien ici, c’est que la France n’est plus fidéle à elle-même . Voilà la réalité de l’équation. C’est tout ce que j’explique aux pouvoirs publics. L’état de la communauté juive est un indicateur infaillible de l’état d’esprit global d’une société. Si les Juifs se posent cette question, c’est que vous, pouvoirs publics, devez d’urgence vous la poser. Voilà pourquoi je maintiens que les pouvoirs publics doivent être très attentifs à ce questionnement, et doivent rassurer la communauté juive en condamnant tout acte antisémite, en le sanctionnant et en faisant preuve de fermeté. Et les grands politiques sont ceux qui ont compris que nous, Juifs, représentons un signe d’alerte, d’un mal être terrifiant dans la société.
La délégitimation d’Israël à laquelle on assiste aujourd’hui entrave-t-elle des projets communautaires ?
H.K. : La délégitimation, de la part de certains, faut-il le préciser. Oui, c’est la première fois, en 11 ans d’exercice et en 40 ans d’exercice rabbinique que j’ai eu droit à une manifestation contre moi, contenue par la police. 24 clampins ont hurlé leur haine contre votre serviteur sous prétexte que la justice avait classé sans suite le signalement de leur député. Cela ne m’a pas empêché de parler. J’en remercie d’ailleurs le maire de Bayonne et son adjointe Deborah Loupien-Suarès d’avoir initié et maintenu avec courage ma venue et ma prise de parole. Ne pas céder ni à la panique ni à la peur, c’est là tout l’enjeu. Ce sont les méchants qui doivent avoir peur et pas l’inverse.
Est-on désormais dans un maintien ou dans un développement de la vie juive en France ?
H.K. : Je suis autant sollicité que d’habitude, il y a autant de chabbat pleins, de visites communautaires… Autant d’événements organisés et toujours formidables, partout en France. Avec comme nouveauté, une recrudescence du dialogue interreligieux. Nous célébrons cette année les 60 ans de la déclaration de Nostra Aetate sur les liens entre le judaïsme et l’Église. Celle-ci a changé de paradigme, passant, pour reprendre les mots de Jules Isaac, « de l’enseignement du mépris à l’enseignement de l’estime ». C’est ce dialogue, cette confiance portée par tant de communautés qui sont essentiels.
Quid des relations avec la communauté musulmane ?
H.K. : Je constate, à la plupart de mes déplacements en province, le maintien de bons rapports. Cela dépend généralement des mots que les uns et les autres ont pu dire – ou ne pas dire – près le 7 octobre. Car il y a eu des mots inacceptables, faut-il le rappeler et d’autres qui ont eu des mots de fraternité. De manière générale, le dialogue interreligieux a été protégé.
Avec cette frilosité, toutefois de la part des dignitaires religieux musulmans, d’aller à l’encontre du sentiment populaire…
H.K : Une religion quelle qu’elle soit, doit appeler à la paix, à la mesure, à la vérité. On ne peut pas construire des relations sur le mensonge.
Le Consistoire de Paris est en pleine restructuration. Comment entendez-vous accompagner ce mouvement ? H.K. :
Ce Consistoire, par sa taille et les responsabilités de son Beth Din, a une place à part. Il faut accompagner sa transformation, avec les nouveaux modes de consommation des fidèles , les nouvelles implantations des synagogues, la vision centralisée du Consistoire de Paris doit être pondérée par la réalité. On puisera assez de forces morales pour trouver une solution pérenne.
Le dayan de Marseille a récemment diffusé une lettre dans laquelle il livrait les noms de deux hommes refusant d’accorder le guet, divorce religieux à leur ex-épouse. Démarche audacieuse, néanmoins critiquée par beaucoup aussi. Qu’en pensez-vous ? H.K. :
J’ai félicité le dayan parce qu’il a fait ce qu’il faut faire. Il a livré le nom de ces deux personnes qui refusent à leur ex-épouse – ex puisqu’il n’y a plus de vie commune – de les délivrer de leurs liens du mariage. Je compte aussi réitérer ma demande à l’ensemble du conseil rabbinique de recourir à un courrier collectif pour toute autre situation similaire. Il faut les mettre au ban de la communauté parce que leurs refus sont inadmissibles. C’était un de mes engagements de campagne et cela constitue un engagement moral d’aider ces femmes à obtenir leur divorce religieux. Les gens qui critiquent l’initiative du dayan Melloul n’ont certainement jamais eu une sœur ou une fille enchaînée dans les liens d’un mariage qui n’existe plus. Donner le guet est le moindre des gestes normaux et évidents.
Quels vœux formulez-vous pour cette nouvelle année?
H.K. : Que l’on retrouve de la sérénité ainsi que la force de l’unité. Rien n’est pire pour le judaïsme que la désunion. Lorsque la haine s’exprime, cela relève des pages les plus noires de notre histoire. Le Talmud rappelle cette haine interne au moment de la destruction du Temple. Il faut que, tant en France qu’en Israël, tous les points de vue puissent s’entendre.
On a hélas perdu cette capacité à échanger sereinement. Je souhaite que la sérénité retrouve sa place dans les esprits et les cœurs, que nous recouvrions l’unité en France, où comme on le voit, demeurent des rayons de lumière. Je pense à ces personnes intervenues pour défendre le rabbin Engelberg, agressé à Orléans, le rabbin Lemmel, attaqué à Neuilly, ou encore pour arrêter un fou furieux dans un tram à Montpellier. Il y a ces Justes d’aujourd’hui qui n’acceptent pas de détourner les yeux. Bénis soient les yeux de ce qui disent « nous voici, nous serons présents aux côtés des Juifs ». Ici comme en Israël. Et que tous les otages reviennent parce que c’est là une blessure quotidienne qui dépasse l’entendement.
« Que se termine cette année et ses vicissitudes et que débute enfin cette année de bénédictions, de lumière et de joie », comme nous avons coutume de lire à Roch Hachana.
À l’aube de cette nouvelle année, je vous souhaite une année heureuse et bénie par la santé, la joie, le bonheur, la paix et la prospérité. Chana Tova Oumetouka, puissiez vous, ainsi que toutes celles et tous ceux qui vous sont chers, être inscrits dans le Livre de la vie. ■
Propos recueillis par L.E.