France

Nathalie Attias : « Le RAJF contribue à renforcer l’éthique du barreau »

ENTRETIEN Première femme à présider le Rassemblement des avocats juifs de France (RAJF), Nathalie Attias a rappelé les grandes lignes de ses ambitions, lors du récent dîner de l’association. Elle les explique dans Actu J.

4 minutes
15 décembre 2025

ParYaël Scemama

Nathalie Attias : « Le RAJF contribue à renforcer l’éthique du barreau »
Nathalie Attias

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Le RAJF a été fondé par Bernard Cahen, au lendemain de l’attentat contre la synagogue de la rue Copernic. Quelle était sa vision à l’époque ?

Nathalie Attias : Nous devons un peu revenir sur le contexte historique. Longtemps, le barreau de Paris a été un milieu profondément conservateur et il faut le dire, traversé par une tradition antisémite. Jusqu’aux années 1990, il était rare qu’un Juif siège au Conseil de l’ordre, comme s’il existait un quota. Le tournant remonte au discours du président Chirac au Vel’ d’Hiv en 1995 sur la responsabilité de l’État français pendant la Shoah. Moins de deux ans plus tard, en 1997, au cours d’une séance historique du Conseil de l’ordre, les avocats Didier Dalin, Rémy Douarre, Étienne Tarride et Patrick Maisonneuve, à l’instigation de Francis Szpiner, ont menacé de démissionner si le barreau de Paris ne reconnaissait pas son rôle durant l’Occupation (il avait radié des avocats juifs, dont certains ont ensuite été déportés - Ndr). Cette pression interne a forcé le bktonnier de l’époque à enfin assumer ce passé. Sous l’impulsion de Julie Couturier, qui a décidé d’ouvrir ses archives, le musée du Barreau réalise depuis quelques années un travail remarquable pour parler des avocats juifs radiés déportés, tout comme de tous ceux qui ont résisté.

C’est donc dans ce contexte que le RAJF, fondé par Bernard Cahen quelques mois après l’attentat de la rue Copernic, a véritablement pris son essor… Bernard l’a présidé pendant quarante ans avant de passer le relais à Jean-Marc Fedida, lequel m’a demandé de lui succéder. Je suis la première femme à occuper cette fonction dans l’histoire de l’association et ce n’est pas anodin dans ce milieu majoritairement masculin. J’ai la chance d’être entourée d’une équipe d’avocats très engagés, et secondée par un bureau d’une efficacité redoutable, dont Hélène Bornstein qui est ma vice-présidente.

En quoi consiste votre expertise ?

N.A. : Le RAJF connaît particulièrement bien le fonctionnement du barreau, sa déontologie et les mécanismes disciplinaires. Concrètement, nous repérons les propos d’avocats ou d’élèves avocats qui relèvent de la haine anti-juive ou de l’apologie du terrorisme, y compris sur les réseaux sociaux, et nous les poursuivons en saisissant les bâtonniers partout en France. Nous leur disons : « votre membre viole les principes essentiels de la profession, vous devez agir ». Ces démarches aboutissent car des sanctions sont prononcées… En travaillant sur la discipline professionnelle, le RAJF contribue à renforcer l’éthique du barreau et de ce point de vue-là, notre action est complémentaire de celle des associations qui défendent les victimes et qui font un travail admirable.

Quelles actions souhaitez-vous renforcer ou mettre en place au sein du RAJF ?

N.A. : En plus de ce travail de veille, j’aimerais déployer l’association sur le territoire national et ouvrir des antennes en régions. Ce développement me paraît fondamental pour soutenir les avocats juifs qui se sentent aujourd’hui isolés ou sous pression. Il me paraît également important d’accueillir au sein de notre structure des confrères avocats non juifs qui partagent nos combats. La création d’une « association des amis du RAJF » est à l’étude pour nous rassembler et agir ensemble. Un autre volet concerne le soutien aux étudiants et aux élèves avocats juifs dont la situation, comme vous le save], est très difficile dans les universités depuis le 7 octobre. Notre but est de leur donner des perspectives, de les accompagner et de les soutenir à travers un réseau d’entraide pour des stages, du mentorat, des conseils en orientation, etc.

Depuis le 7 octobre, avez-vous resserré le lien avec vos confrères israéliens ?

N.A. : Ce lien a toujours été très fort mais nous observons, depuis le 7 octobre, un besoin d’information plus important sur le système juridique israélien. Des avocats, jeunes et moins jeunes, explorent la possibilité de s’installer en Israël et/ou d’y exercer, soit pour des raisons personnelles et identitaires, soit parce qu’ils estiment que le contexte les oblige à se former davantage. Nous allons donc organiser des ateliers de formation pour mieux comprendre le système juridique israélien et les réalités du secteur. Ils s’ajouteront à notre programmation culturelle, composée de conférences et de soirées-débats. C’est ainsi notamment que le 2 juin 2026, nous allons organiser une magnifique soirée avec des invités de grande qualité. Permettez-moi pour l’instant de ne pas en dévoiler davantage, mais j’invite d’ores et déjà vos lecteurs – avocats ou non – à réserver leur soirée. ■

Propos recueillis par Yaël Scemama

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