Le tribunal pour enfants de Nanterre a condamné à 9 et 7 ans de prison ferme les deux mineurs et prononcé une mesure éducative de 5 ans à l'encontre de celui qui a conduit la victime dans ce guet-apens. Comment réagissez-vous à ces peines ?
Muriel Ouaknine-Melki : Le maximum de la peine applicable aux crimes commis étant de 10 ans de prison compte tenu de « l’excuse de minorité » que la loi impose pour les mineurs entre 13 et 16 ans, des peines de 7 et 9 ans sont donc des peines sévères mais à la hauteur de la gravité des faits commis. Après trois jours d’audience menés avec une grande rigueur, le président Stobinsky a pris en compte le nombre et la nature des faits (humiliation, injures, violences, agressions sexuelles, viols, tentative d’extorsion de fonds), l’âge de la victime mais également des auteurs, leur extrême violence, et leur détermination tout au long des 54 minutes de calvaire qu’ils ont imposé à leur toute jeune victime ainsi que l’antisémitisme profond qui est le fil rouge de ce dossier. Il est important que les juridictions passent le message que des crimes, surtout aussi violents que ceux-là, et fussent-ils commis par des mineurs, doivent être punis pour que cesse le sentiment d’impunité qui s’empare de nombreux auteurs d’infractions de plus en plus jeunes et de plus en plus violents. Il y a quelques mois, un jeune adolescent était tué à coups de machette par d’autres jeunes pour un téléphone, la semaine dernière un adolescent de 14 ans a tué une surveillante dans un collège. C’est très inquiétant.
Ce procès s'est tenu un an après les faits. Il s'est aussi déroulé avec une prise en compte de son caractère antisémite. Le traitement juridique serait-il en train d'évoluer ?
Oudy-Charles Bloch : Nous sommes satisfaits que le tribunal ait retenu cette circonstance aggravante d’antisémitisme pour l’ensemble des infractions commises car cela a été le facteur déclencheur de ce guet-apens et de la volonté de punir une adolescente de 12 ans visée uniquement en raison de sa religion. Si elle n’avait pas été juive, il ne fait aucun doute que rien de tout cela ne se serait passé. La haine des juifs a été le fil rouge des faits commis, de leur origine jusqu’à la fin. Il est trop tôt pour affirmer la réalité d’un changement de paradigme et pourtant, nous luttons depuis plus de 10 ans à l’OJE pour faire comprendre aux magistrats mais également aux représentants politiques que les mots de haine s’imprègnent dans les esprits les moins bien structurés et entraînent des passages à l’acte délictuels et criminels de plus en plus violents. Ce qu’a subi notre toute jeune cliente n’est pas un fait divers, c’est un fait de société car c’est l’antisémitisme grossièrement camouflé par l’antisionisme qui a motivé les crimes. Il est indispensable, pour sauvegarder la cohésion de la communauté nationale, de prendre des mesures d’urgence et ce, à tous les niveaux : politique, éducatif, judiciaire...
Comment va la petite aujourd'hui ? Comment a-t-elle suivi cette année d'instruction, ce procès, et qu'est-ce que ce verdict va désormais lui permettre ?
O.-C.B. : Depuis un an que nous la côtoyons régulièrement pour la préparation de ce procès, nous avons pu mesurer la force tranquille qui se dégage de cette toute jeune fille. Elle est calme, réfléchie, et étonnamment mature pour son âge. Elle a fait preuve d’un remarquable courage tout au long des trois journées d’audience, souhaitant assister, participer, interroger, répondre aux questions des différentes parties. Néanmoins, un an après les faits, elle est encore la proie de cauchemars, de flash-back, de crises d’angoisse et de panique même si elle est suivie psychologiquement et très entourée par ses parents. Sa reconstruction prendra du temps et n’effacera probablement jamais les traumatismes qu’elle a subis dans cette crèche abandonnée et sordide. Une étape importante dans son cheminement a été également la reconnaissance de son statut de victime, ce qui a été fait par la décision rendue par le tribunal pour enfants de Nanterre. Elle va désormais continuer son processus de réparation et avancer, plus forte encore.
Les coupables : quelle a été leur attitude durant toute la procédure et le procès ? Peuvent-ils faire appel ?
M.O-M. : Beaucoup de silence, beaucoup de réponses incomplètes, le refus de reconnaître certaines infractions et surtout, le refus de reconnaître le caractère antisémite des actes commis. Si des excuses ont été présentées, celles-ci n’ont pas répondu aux attentes de notre jeune cliente qui attendait de comprendre enfin pourquoi ce déchavnement de violences, pendant près d’une heure, sans qu’aucun des trois ne prenne conscience de l’abjection des faits commis et alors que deux d’entre eux ne la connaissaient pas une heure auparavant.
Le procès s'est déroulé à huis clos étant donné l'âge des prévenus. Pourra-t-il néanmoins impacter la société et prévenir de tels agissements ?
O-C.B. : Mme La procureure Landemarre a regretté, aux termes d’un réquisitoire intraitable, que ce procès se soit tenu à huis clos car elle estimait, et nous partageons son point de vue, que des enseignements majeurs auraient pu être tirés de ce procès et de ce qu’il dit de notre société en termes d’imprégnation antisémite d’un pan entier de la société et de la jeunesse, de la violence que cette haine déchaîne et également de la chosification de la femme au traYers des films pornographiques librement accessibles par les tout jeunes mineurs sur les réseaux sociaux. Les pouvoirs publics mais également l’Éducation nationale et les parents doivent s’emparer de ces sujets fondamentaux pour prévenir de futurs passages à l’acte de ce type. ■
Propos recueillis par L.E.