En 2012, le congrès de Toulouse, où le Parti socialiste, PS, arborait assez fièrement ses 173 000 adhérents. Le parti gouvernait la France, détenait la majorité des régions, des départements, et la quasi-totalité des grandes villes. En 2025, il n’en reste qu’une carcasse vide : à peine 40 000 militants, et un score électoral divisé par dix en dix ans.
Le PS, « jadis colonne vertébrale de la gauche républicaine et laïque, est devenu l’ombre d’un PSU finissant », comme le résume Julien Dray. Entre abandon de ses valeurs, repli identitaire et soumission à LFI, il ne reste plus rien du souffle universaliste qui constituait son ADN ni du lien, intrinsèque, viscéral, qui le liait – aussi – à une large partie de la communauté juive française.
La réélection d’Olivier Faure, la semaine dernière, à la tête du parti, n’est pas un accident : c’est l’ultime validation d’une fuite en avant,sans débat, sans idéologie, sans boussole. Avec 50,9 % des voix contre Nicolas Mayer-Rossignol (soit un différentiel de 300 voix à peine !), le score est si serré qu’il pourrait passer pour une bataille politique. Il n’en est rien. Comme l’analyse Julien Dray, ce n’est plus qu’un jeu d’appareils dans une structure vidée de sa base : « Dès lors qu’il n’y a pas de ‘gras’, c’est-à-dire pas de marée à convaincre, et que la place de l’appareil est très importante », analyse-t-il.
Depuis l’arrivée d’Olivier Faure en 2018, le PS a perdu plus de la moitié de ses adhérents. De 90 000 militants à 40 000 aujourd’hui. Et il s’accroche désormais aux lambeaux d’une alliance avec La France insoumise, contre-nature sur bien des points, mais qui permet de sauver quelques élus et de garantir, au mieux, des strapontins municipaux ou régionaux. Il ne s’agit plus de gagner, ni même de convaincre. Il s’agit de survivre dans le sillage du plus fort, quand bien même celui-ci a méthodiquement vidé de sens tout ce que représentait historiquement la gauche française. Car cette déconfiture n’est pas qu’une histoire de chiffres. Elle est une trahison idéologique car aucune réflexion de fond n’a été menée. Ce n’est pas pour rien d’ailleurs qu’Olivier Faure a refusé tout débat avec Nicolas Mayer-Rossignol, son adversaire à la tête du PS. Le parti a consenti à suivre celui qui, dans son camp, faisait le plus de bruit. Julien Dray l’exprime avec une amertume lucide : « Le PS s’est refusé à tout moment à ouvrir le grand débat qui aurait été normal et nécessaire après 2017. Olivier Faure ne l’a pas fait parce qu’il se serait retrouvé, personnellement, en situation beaucoup plus difficile ». Résultat: au lieu de redéfinir une gauche sociale-démocrate moderne ,capable de parler aux classes populaires, aux territoires, aux ouvriers comme aux enseignants, le PS a abandonné le terrain à LFI.
Il a cédé au lexique, aux postures, aux dérives. Jusqu’à reprendre le terme de « génocide » à propos de Gaza, quelques jours à peine après Jean-Luc Mélenchon. Une ligne rouge de plus franchie. Et Jean-Luc Mélenchon qui se délecte de voir cette gauche reprendre ses termes, qu’elle avait pourtant rejetés….
Dans ce contexte, que devient la communauté juive française, historiquement ancrée à gauche, souvent militante, parfois même constitutive de sa colonne vertébrale ? Une variable d’ajustement. Le vieux pacte laïque, universaliste, fondé sur les Lumières et la République, est remplacé par une logique clientéliste et communautariste où les Juifs deviennent gênants, essentialisés à leur relation avec Israël, quand ils ne sont pas tout simplement oubliés.
Julien Dray le dit encore sans détour : « La France sans les Juifs, ce n’est plus la France. Mais la gauche sans les Juifs, ce n’est plus la gauche non plus. Depuis l’affaire Dreyfus, les Juifs avaient une histoire importante avec la gauche. Ils ont constitué souvent d’ailleurs des éléments de la colonne vertébrale de la gauche. Il faut aujourd’hui aller à la reconquête ».
Mais cette reconquête ne se fera pas au sein du PS actuel. Ce que montre la reconduction d’Olivier Faure, c’est que le parti a renoncé à lui-même. Il ne rêve plus de l’Élysée. Il gère sa lente agonie. L’ambition n’est plus de gouverner, mais de ne pas mourir tout à fait. L’illusion d’un « on est bien au chaud chez nous », comme le dit encore Dray, a remplacé l’audace de « gravir l’Everest ». Et pourtant, une alternative existe. L’ancien député de l’Essonne en est convaincu. Elle passe par une gauche réformiste, républicaine, laïque, qui assume ses valeurs et les redonne à voir : la défense des services publics, de la protection sociale, de l’école républicaine, de la laïcité réelle… « Olivier Faure ne voit que LFI. Moi, je vois tous les déçus du macronisme et les électeurs modérés qui ont fait la force de la gauche et lui ont permis de gagner. C’est en retrouvant une force avec ces gens-là qu’on récupérera aussi une partie de l’électorat de Mélenchon. Celle qui voudra la victoire et non pas la ghettoïsation reviendra à nous », assure-t-il.Aujourd’hui, la ligne Mélenchon, communautarisée, radicale,« insoumise » jusqu’à l’absurde, a fanatisé une partie de la gauche, mais elle ne peut pas gagner seule. Et elle ne veut pas gagner. Elle préfère dominer ses alliés que convaincre les Français. « Plus je lui enlève des positions, plus elle est faible, et plus elle est dépendante de moi », résume Dray en évoquant la stratégie de Jean-Luc Mélenchon envers le PS. C’est une spirale de dépendance qui ne produit plus d’idées, mais seulement de la reddition. Les élections des municipales de 2026, avec les présidentielles de l’année suivante devraient le prouver.