La décision du tribunal administratif de Lille de rétablir le contrat d’association du lycée musulman Averroès n’éteint en rien les soupçons d’entrisme qui pèsent sur cet établissement. Son contrat d’association avec l’État avait été rompu par le préfet du Nord en décembre 2023, suite à un rapport faisant état de financements illicites par des structures liées à la «mouvance frériste», ainsi que d’un enseignement faisant la promotion d’un islam salafiste. Mais contrairement à la position retenue à deux reprises par le juge des référés, le tribunal administratif de Lille a annulé le 23 avril la décision de résiliation prise par le préfet du Nord. Selon les juges, «la condition tenant à l’existence de manquements graves au droit n’était pas remplie». De plus, ajoute le délibéré «la procédure suivie était entachée d’irrégularités».
Xavier Bertrand, président LR des Hauts-de-France, n’entend toutefois pas reprendre de sitôt le versement des subventions régionales. «Les faits sont graves et les manquements toujours là», estime-t-il. Il dit aussi attendre une décision de justice définitive, avant de reprendre les versements. C’est-à-dire une décision en appel. Élisabeth Borne, la ministre de l’Éducation nationale, a fini par annoncer, sept jours après le verdict, qu’elle ferait appel de cette décision du tribunal administratif, évoquant, sur TF1, des «manquements graves aux principes fondamentaux de la République». Dans le même temps, elle a rappelé au président de la région des Hauts-de-France que la décision de justice rendue en première instance s’impose à l’État et qu’il devait donc reprendre le versement des financements publics à Averroès.
Quelle que soit la prochaine décision de justice, le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau demeure convaincu que ce grand établissement scolaire musulman serait un «bastion de l’entrisme islamisteª. Il affirme aussi qu’Averroès serait cité dans le rapport accablant sur le frérisme, commandé il y a plusieurs mois par le ministère de l’Intérieur, et qu’il s’apprête à rendre public. Sur X, l’imam Chalghoumi a, lui aussi, alerté sur les dérives de cet établissement. «Le lycée Averroès est une menace pour nos enfants et nos valeurs républicaines», écrit-il. «Chaque année, 800 enfants sont accueillis, dans cet établissement financé, selon les Qatar Papers ( 2019 ), par Qatar Charity et lié aux Frères musulmans», rappelle-t-il aussi. À l’extrême gauche, en revanche, la décision du tribunal administratif est saluée et considérée comme une première victoire contre le «deux poids deux mesures» et une prétendue impunité à l’égard des établissements catholiques. Paul Vannier, député insoumis et co-rapporteur de la commission d’enquête sur le contrôle des établissements scolaires, créée dans le sillage de l’affaire Bétharram croit y percevoir un «scandale d’État». Il faut maintenant «faire toute la lumière sur ce scandale dont les commanditaires ont occupé les plus hautes fonctions de l’appareil d’État», a-t-il prévenu le 23 avril sur X. ■
Laetitia Enriquez